Dernièrement j’ai été invitée à participer en tant que formatrice aux Ateliers d’Automne à Chimay.
Ces ateliers rassemblent chaque année quelque 200 enseignants du primaire et du secondaire ainsi que les intervenants sociaux qui gravitent autour de l’école de la région.
L’atelier que j’ai eu le plaisir d’animer portait sur la thématique de l’Intégration Neurosensorielle. Un sujet qui me fascine d’autant plus que ce processus neurologique nous concerne toutes et tous et qu’il a été longtemps ignoré en pédagogie.
Quand j’ai découvert la théorisation de cette fonction, je me suis rendue compte que comme Monsieur Jourdain, je faisais de la prose sans pouvoir la nommer et que l’ensemble de mes pratiques de bien-être étaient sous-tendues par ce processus.
Tous les êtres humains présentent des particularités du traitement des données sensorielles. Certains aiment être à l’aise dans des vêtements amples, alors que d’autres préfèrent les porter près du corps ! Il existe des personnes « tactiles » et d’autres aux contacts plus distanciés, les buveurs d’eau pétillante et ceux d’eau plate… Ces exemples peuvent se décliner à l’infini…
Ils témoignent de la façon dont le traitement de la modulation sensorielle va influer sur l’interaction de l’individu avec son environnement physique et humain.
L’intensité de ces particularités sensorielles peut être si importante qu’elles entravent l’adaptation de la personne à son environnement et l’expression de ses compétences.
Par ailleurs, elles peuvent contribuer à l’émergence de comportements-problèmes du fait de l’impossibilité pour la personne de réguler les stimuli environnementaux. »
Cette citation de Maguelonne Paul Majurel1 illustre parfaitement l’importance de ce processus.
Pour faire bref, l’intégration sensorielle correspond à la capacité de sentir, de comprendre et d’organiser les informations sensorielles provenant de notre corps et de notre environnement. Cette intégration influence fortement notre comportement et notre capacité à être au monde.
L’information sensorielle captée par les 7 sens2 et transmise par le système nerveux, est traitée et analysée par le cerveau qui va ensuite permettre à la personne d’y apporter une réponse appropriée (un geste, une parole, une émotion…).
Une bonne réception, modulation et intégration des informations sensorielles sont nécessaires pour qu’un enfant se développe harmonieusement. Cette intégration sensorielle est la base de tout apprentissage.
L’intégration neurosensorielle constitue la base de la pyramide des apprentissages de l’enfant mis en lumière par William & Schellenberger (1996)3
C’est une base capitale au développement des processus d’apprentissage, une nouvelle compréhension du développement de l’intelligence, celui de considérer le développement des fonctions d’intégration sensorielle et sensorimotrice comme essentiel à la potentialisation des fonctions mentales supérieures.
Grimper, sauter , tripoter des textures, se balancer, nourrit le cerveau des enfants pour les apprentissages ultérieurs.
Lorsque l’intégration sensorielle fonctionne bien, l’enfant apprend à agir de manière appropriée face à son environnement.
Un dysfonctionnement dans l’intégration sensorielle peut l’impacter au niveau de ses comportements, ses interactions avec les autres, son autonomie…
Les actions et les stimulations sensorielles régulières et contrôlées
Lors de cet atelier de 4 heures, en explorant, manipulant, en pratiquant des jeux d’éveil des sens, les participant·e·s ont découvert ce processus et ses impacts sur les comportements et les apprentissages des jeunes enfants.
Iels ont identifié et mieux compris les troubles du traitement de l’information sensorielle comme l’ hyper- et l’hypo-sensibilité, la recherche sensorielle… et leurs effets sur la vitalité des enfants durant la journée.
Des solutions simples à mettre en œuvre ont été proposées et partagées pour améliorer le quotidien dans les lieux d’accueil.
En plus du matériel qui permet aux enfants de réguler les sensations et facilite leur concentration comme les assises dynamiques, les casques insonorisants, les coussins lestés, les éclairages ajustables… toutes les techniques de respiration, de relaxation en mouvements sont les bienvenues.
- Construire une routine sensorielle pour sécuriser
- Des mouvements corporels simples
- Des respirations pour s’ancrer dans le moment présent
- Des stratégies relaxantes avant de débuter des tâches
- Offrir un lieu de retrait et observer ce qui s’y passe
- Adaptation de l’environnement – Éviter la sur-stimulation
- Apprendre l’autorégulation
- Valoriser les changements positifs (parler du « moteur »)
L’intégration Neurosensorielle
Ce processus d’Intégration neurosensorielle a été mis en lumière par Anna Jean Ayres (1920–1988) ergothérapeute et psychologue. Elle a consacré sa carrière à comprendre comment notre cerveau traite les informations sensorielles pour guider nos actions.
Formée et diplômée à l’Université de Californie du Sud (USC), elle a enseigné, mené des recherches et fondé sa propre clinique pour mettre en pratique ses travaux.
Elle a élaboré cette théorie afin d’« expliquer la relation entre les déficits dans l’interprétation des sensations provenant du corps et de l’environnement et les difficultés d’apprentissage scolaire ou moteur ».
Elle a publié de nombreuses analyses qui ont permis d’identifier des schémas de dysfonctionnement de l’intégration sensorielle, qui ont ensuite été confirmés par d’autres chercheurs et développés, par exemple dans le contexte du trouble déficitaire de l’attention et de l’hyperactivité.
Note importante
Le matériel neurosensoriel et les pauses relaxation ne remplacent pas une consultation auprès d’un professionnel de la santé ou un thérapeute spécialisé mais il peut fournir une AIDE PRÉCIEUSE à tous et toutes.
Face à un enfant avec des troubles de l’intégration neurosensorielle qui handicapent sérieusement son quotidien, un diagnostic précis et une rééducation doivent se faire via un·e spécialiste, un·e ergothérapeute, par exemple.
Il est important aussi de distinguer un problème ponctuel (familial, santé, fatigue) et un mode de fonctionnement stable dans le temps. Nous sommes tous sujets à ces désordres.
- Les Particularités sensorielles par Maguelonne Paul Majurel – Psychologue, psychothérapeute – article de la revue les Cahiers de l’Actif ↩︎
- Et oui, bien 7 sens car en plus des 5 sens « classiques » vue, ouïe, toucher, odorat, et le goût il faut ajouter le système vestibulaire qui s’occupe de l’équilibre et de la perception du mouvement et la proprioception, le véritable GPS de notre corps, essentiel dans la construction du schéma corporel. ↩︎
- Pyramide des fonctions d’intégration ↩︎
archipelinsolite.com 